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Devant moi... Au fil du temps
21 janvier 2007

~° Rien n’est impossible - 5 °~

Les épisodes précédents

 

Totalement abasourdit, Rose se laissa tomber sur une chaise.

Soit cette confiture avait près de soixante-dix ans, soit elle avait voyagé dans le temps. Elle resta muette, immobile pendant plusieurs minutes. Mikolaj la voyant ainsi, s’approcha d’elle et lui secoua l’épaule.

 

- Rose ? Rose… Cà ne va pas mieux ? Il n’obtint aucune réponse. Il la secoua à nouveau avec plus de vigueur. Rose, Rose dit-il avec insistance. Qu’est-ce qu’il y a ?

- La… La confiture…

- Quoi la confiture ? dit-il d’un ton surpris.

- D’où… Euh… Qui… C’est ta maman qu’il l’a faite ?

- Oui, c’est maman. Maman fait toutes les confitures. Elle fait les meilleures confitures. J’en ai jamais mangé d’aussi bonne. Tu vas voir… Celle-ci est à la prune. Un vrai délice. Maman l’a faite cet été.

 

« Cet été, cet été, cet été… »

Ces mots martelaient sa tête. Figée sur sa chaise, incapable de dire une parole, le regard fixant le pot de confiture qu’elle tenait entre ses mains. Elle était bel et bien dans le passé.

Voyage à travers le temps, à travers les années. Plus de soixante sept ans la séparaient de sa vie, de son quotidien, de son univers.

Avant même de penser comment faire pour revenir à son époque, elle se demandait pourquoi. Pourquoi elle, Rose. Pourquoi sa vie venait-elle de basculer vers un passé inconnu, vers le passé de cet enfant. Avait-elle un rôle à jouer, une tâche à accomplir, une injustice à réparer ?

Le passé ne revient pas à nous sans avoir de raison. Trouver cette raison serait certainement trouver la clef pour revenir vers son présent. Elle en était persuadée. Elle devait absolument trouver la raison de ce retour vers le passé pour espérer repartir dans le futur. Elle accepta ce défi, en avait-elle le choix de toute façon ? Cette pensée lui redonna de l’espoir. Mikolaj était là. C’était peut-être lui qui avait besoin d’elle, il faisait partie de son histoire maintenant. Elle lui fit un vague sourire, se redressa comme si de rien n’était et continua à préparer le café.

 

- Mikolaj, tu veux bien nous couper un peu de pain ? Je vais m’occuper de ton lait. Elle attrapa la casserole, puis le pot de lait, en versa l’équivalent d’un petit bol et le mit à chauffer.

- D’accord. On dirait que tu vas mieux Rose… Lui dit-il en le regardant préparer le lait.

- Oui et tu verras, lorsque j’aurais mangé, çà ira encore mieux. Bon, dans quelques minutes, tout sera chaud. On y va ?

- Oh oui, j’ai vraiment très faim !

 

Mikolaj était assis à côté de Rose. Il se tartinait une bonne tartine de pain avec la confiture de prune. Rose le regardait, ou plutôt l’examinait. Il se leva pour aller chercher le café et le versa dans les bols. Quelques gouttes pour lui, le reste pour Rose. Il reposa la cafetière et compléta son bol avec du lait. Rose continuait de l’observer tout en se posant des questions à son sujet : qui est ce jeune garçon ? Quel lien qui pouvait-il les unir ? Qu’attendait-on d’elle...

 

- Tu ne manges pas Rose ? Je t’ai fait une tartine…

Rose attrapa la tartine qu’elle savoura doucement, sa tête perdue dans ses pensées, à la recherche d’une explication.

- Hum, elle est vraiment bonne cette confiture. Tu as raison Mikolaj, ta maman fait vraiment de très bonnes confitures. Moi non plus, j’en ai rarement goutté d’aussi délicieuses !

 

Mikolaj  rougit un peu. Il était entrain de boire son café au lait et releva la tête pour lui faire un grand sourire. Le petit duvet au-dessus de sa bouche était recouvert de lait, ses lèvres réchauffées par le café étaient bien roses et son regard pétillait de joie face à tant de compliments sur sa maman. Il était beau ce gamin, il ne semblait plus inquiet par l’absence de sa mère, il semblait heureux d’être là. Rose répondit à son sourire mais elle était embarrassée. Elle devait avoir une discussion plus sérieuse, sur lui et ses parents afin de trouver une explication à la situation dans laquelle elle se retrouvait, mais ne savait pas trop comment l’aborder. Elle termina de manger sa tartine et avala d’une traite son café.

Elle rompit le silence pour demander à Mikolaj  où se trouvait les WC. Il fut surpris par sa question et c’est après avoir précisé qu’elle avait besoin de se soulager, qu’il comprit sa demande. Il la conduisit jusqu’à la porte en bois vitrée et l’ouvrit. Elle donnait bien dans la cour extérieure, au fond, sur le côté gauche une petite cabane. Mikolaj la pointa du doigt en précisant « Vas y, c’est là bas. »

Bêtement, Rose resta plantée dans l’encadrement de la porte. Du plus loin de ses souvenirs, elle ne se rappelait pas avoir utilisé des toilettes de ce genre. Bien sûr, dans son enfance, chez ses grands parents qui habitaient une vieille maison dans un petit village, elle avait connu les WC à l’ancienne au fond de la remise, tout près de la réserve à charbon. Dans une petite pièce, un coffrage en bois rehaussant et permettant « l’assise », fermée par un couvercle en bois.

 

- Rose, tu peux y aller, lui dit-il en secouant sa main. Il n’y a personne, c’est libre.

 

Rose se dirigea vers le cabanon, entre ouvrit la porte ; résignée, elle entra. Un nouveau problème se présenta à elle lorsqu’elle chercha du regard le rouleau de papier. Il ne semblait pas en avoir. La seule chose qu’elle trouva fut un journal accroché par un fil de fer sur le mur. Elle poussa un soupir tout en se disant « A la guerre comme à la guerre. De tout façon, je n’ai pas le choix, c’est çà ou rien. » 

Elle attrapa la première feuille. Son regard fut attiré par une photo ; une photo noir et blanc d’une patrouille de vieux avions de guerre, comme ceux des films de la seconde guerre mondiale. Cherchant la date du journal, elle commença à lire des bribes de l’article :

« Le 1er septembre… A 4h 45, les canons 280 mm du navire blindé « Schleswig-Holstein » retentissent… Les chars allemands violent la frontière polonaise… La seconde guerre mondiale vient d'éclater. Les alliées de la Pologne, la France et la Grande-Bretagne respectent leurs engagements et déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre… »

Remontant son regard, elle trouva la date : 4 septembre 1939.

« Mon Dieux » s’exclama-t-elle.

La lecture de ce journal la ramena face à la réalité de la situation. C’était la guerre. 1939, était le tout début de la guerre.

Elle allait y être confrontée, elle allait probablement la vivre…

  

 

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