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Devant moi... Au fil du temps
8 janvier 2009

Lettre du passé ~ Episode 4

Sur une idée d'Enriqueta pour le jeu d'écriture Mystério, "La lettre du passé" -  L'épisode précédent est ici.


Il y avait un lac à quelques mètres de la maison. J’allais souvent m’y baigner l’été avec ma mère, on y passait tout l’après-midi pendant les vacances. Elle aimait s’y reposer, ne rien y faire de particulier, lire, écrire… Rêver. Je la regardais se perdre dans ses songes, les yeux dans le ciel, dans ses nuages, dans cet ailleurs, au loin, si loin de moi me semblait-il parfois. De temps en temps un sourire illuminait son visage. Je lui demandais pourquoi elle souriait mais elle ne me répondait pas, ou alors me disait que c’était des souvenirs qui lui revenaient à l’esprit, des personnes qu’elle aimait, auxquelles elle pensait et cela l’enchantait, la rendait heureuse.

A la fin de l’après-midi, lorsqu’il était l’heure de s’en retourner ou lorsque mon père nous rejoignait, je voyais ses traits se tirer, son visage se crisper légèrement avant de feindre un comportement naturel. Le regret de devoir s’en aller, de retrouver le quotidien plutôt que de rester encore vagabonder dans l’air caresse, flâner avec le temps… Les jours de cet été passaient et je voyais de plus en plus le visage de ma mère rayonner lorsque nous étions là-bas puis se ternir lorsque l’heure du retour approchait. Les derniers jours, ceux d’avant sa disparition, la tristesse l’envahissait, elle se refermait, parlait moins, souriait peu. Elle me disait qu’elle était fatiguée ou souffrante. Elle s’excusait et me promettait que bientôt, elle irait mieux. De retour à la maison, elle ré endossait son rôle si bien joué d’épouse attentionnée, dévouée et de mère parfaite.

Un soir, le calme régnait dans la maison. Des bruits de craquement dans l’escalier m’avaient réveillés mais je n’avais pas osé me lever. J’avais peur du noir et la pile de ma lampe de poche ne fonctionnait plus. J’avais enfoncé ma tête sous les draps puis m’étais rendormie. Au petit matin, c’était la lumière du soleil traversant les volets de ma chambre qui m’avait réveillée. Il était plus tard que d’habitude et maman n’était pas venue me chercher. Le silence régnait dans la maison. Dans la chambre de mes parents, il n’y avait personne. Dans la cuisine, dans le séjour, personne non plus. La porte d’entrée était ouverte et je me rappelle très bien avoir constaté que le sac de ma mère était posé sur le sol, son trousseau de clés avec mon papillon en perle, traînait à côté ; il avait dû tomber. Dehors, sur la terrasse où l’on mangeait habituellement, il n’y avait toujours personne.

Inexplicablement, je me suis sentie attirée par le lac. J’entendais parler au loin, je me suis dirigée vers ces voix en courant. Sur le chemin, j’ai ralenti lorsqu’au sol j’ai vu une chaussure appartenant à ma mère. Quelques pas plus loin, la seconde. J’ai continué à avancer en direction du lac puis j’ai trouvé le chemisier fleuri que ma mère portait la veille. Je l’ai ramassé et je l’ai senti. Il avait son odeur, son parfum ; l’avoir contre moi me rassurait. Le serrant de toutes mes forces, j’ai continué à avancer un peu plus pour arriver devant un sac en toile. Je n’ai pas eu le temps de voir ce qu’il y avait dedans. J’étais au bord du lac et j’ai senti quelqu’un me mettre la main sur la bouche, m’attraper dans ses bras, puis courir.
C’était un homme, mais ce n’était pas mon père. Lui devait être au travail comme toujours. Il m’a dit de ne pas crier, que tout irait bien si je ne disais rien. Il m’a portée en courant pour m’éloigner de l’endroit où j’étais. J’ai refais le chemin à l’inverse dans ses bras et durant tout le trajet, il m’a dit des mots pour me rassurer.

Je n’ai pas crié. Je n’avais pas peur. Je me sentais en sécurité dans ses bras qui m’enveloppaient. Je n’ai pas parlé de la présence de cet homme à la police, même lorsqu’ils m’ont questionné. Jamais. Au plus profond de moi même j’étais persuadée qu’il ne pouvait pas être coupable de la disparition de ma mère. Des années après, j’en reste convaincue, sans savoir qui il pouvait être, ce qu’il faisait là ce jour là, ni même pourquoi. Je l’ai toujours su, ressenti et ce dès le premier instant, lorsque je me suis envolée dans ses bras ; il était là en ami dans le drame qui se déroulait autour de moi.

Arrivé tout près de la maison, il m’a reposé au sol en me disant de ne pas le regarder. Il m’a dit de rentrer chez moi sans me retourner. D’oublier ce qui venait de se passer. Je me souviens de sa voix grave et douce à la fois, mêlée à une certaine tristesse.

« Rentre chez toi petite princesse du bonheur » m’avait-il murmuré à l’oreille avant de m’embrasser dans le cou.

C’était aussi ainsi que m’appelait ma mère, j’étais sa petite princesse du bonheur. Comment pouvait-il le savoir s’il n’avait pas été un ami de ma mère ou quelqu’un qui la connaissait, quelqu'un à qui elle se confiait ?

Je suis restée seule à la maison toute la journée à jouer dans ma chambre et à attendre le retour de ma mère. Le soir venu, au moment où mon père est rentré de son travail, tout a changé, ma vie a basculé. Mon père a appelée la police. Ils ont lancés des recherches, dragué le lac, fouillées tous les coins et recoins de la forêt mais en vain. Ma mère avait disparue.

Je regarde l’enveloppe. Elle n’a aucune particularité. Elle est manuscrite mais je ne reconnais pas l’écriture. Elle n’a pas de date d’oblitération, ni de lieu. Je la décachette. J’en sors une lettre écrite sur un papier rose pastel...

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Commentaires
E
Quel mystère! Vivement la suite!
M
Vivement la suite, tu nous tiens en haleine...
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