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Devant moi... Au fil du temps
9 mars 2007

~° Rien n’est impossible - 9 °~

Les épisodes précédents

 

Elle hésita un petit moment. Rose était son vrai prénom mais si Mikolaj l’appelait Aleksandra, elle risquerait de ne pas réagir… D’un autre côté, elle n’existait pas dans cette vie et elle n’avait aucun moyen de justifier son identité auprès des autorités. C’était la guerre, elle était en Pologne, où exactement elle ne le savait pas, mais ce qui était sûr, c’était qu’au moindre contrôle, si Mikolaj l’appelait Rose, cela éveillerait les soupçons… Et là, Dieu seul sait ce qu’ils deviendraient !

Une nouvelle inquiétude lui vint à l’esprit : quelle était la religion de Mikolaj ? Était-il juif ?

Elle se rappelait qu’à la veille de la seconde guerre, la Pologne était un des pays européens comptant une des plus fortes populations juives… Elle se souvenait aussi du ghetto de Varsovie, des camps de la mort : Auschwitz, Treblinka, Sobibor… Elle frissonnait rien qu’à l’idée d’être confrontée à leur persécution, à tous ces terribles évènements…

La religion de Mikolaj lui importait peu, elle savait qu’elle devait le sauver, elle ferait tout ce qui serait en son pouvoir pour le faire, mais elle se rappelait aussi de toutes ces règles concernant les juifs : l’obligation de s’identifier, de devoir porter un brassard avec l’étoile de David…

Etait-ce déjà le cas ou bien était-ce encore trop tôt ?

C’était d’ailleurs peut-être à cause de cela qu’Anna avait si peur… Puis Rose se ravisa. Si Anna et sa famille avaient été juifs, elle n’aurait jamais abandonné ses enfants, ils seraient partis tous ensemble…

A travers le miroir de la coiffeuse, son regard s’arrêta sur le pan de mur portant la tête de lit ; juste au-dessus, en son milieu, un crucifie y était accroché. Elle ne pu s’empêcher de faire le signe de croix en le découvrant et de laisser sortir de sa bouche un soupir de soulagement.

Mikolaj, dont elle semblait avoir oublié la présence le lui rappela en montant le ton.

- Alors… Comment faut-il que je t’appelle maintenant ?

- Ah oui, excuse moi… Je pensais à ta mère. Appelle moi Aleksandra. Après tout, je suis ta marraine et c’est ainsi que je me nomme. Il faut que tu t’y habitues, alors autant commencer tout de suite. Et moi aussi, pensa-telle.

- Pourquoi maman voulait elle que tu viennes ? Elle te l’a dit ? Tu l’as vue ? Elle va revenir ? Dis moi, est-ce que Maman va revenir ?

- Non Mikolaj, je suis désolée de te le dire, mais ta maman ne reviendra pas… En tout cas pas tout de suite, pas avant plusieurs semaines et même certainement, plusieurs mois. Tu le sais bien, elle te l’a expliqué, c’est pour cela qu’elle voulait que tu partes dans cette ferme, c’était pour que tu sois à l’abri, loin de la guerre, pour qu’il ne t’arrive rien… Mais, comme elle le redoutait, tu ne l’as pas écoutée… Tu es revenu et maintenant tu es tout seul. Enfin, tu aurais été tout seul si je n’étais pas venue. Car, en fait, c’est pour cela qu’Anna, ta maman, m’a écrit. Pour que je m’assure que tu ne rentres pas…

Mikolaj, tête baissée, regardant ses pieds, était tout penaud. Il regrettait assurément d’avoir désobéit ; il n’avait pas mesuré l’ampleur et les conséquences de son comportement.

- Je voulais juste retrouver maman, rester avec elle, marmonna-t-il. 

- Oui, mais si je n’étais pas venue, qu’est ce que tu aurais fait ? Qu’est-ce que tu serais devenu ? Hein ?

- Je… Je ne sais pas… Balbutia-t-il.

- Allez, n’en parlons plus. On va trouver une autre solution. Ta maman avait prévu un second voyage et cette fois-ci, il faudra aller jusqu’au bout, ne pas faire demi tour… C’est bien compris ?

- D’accord Rose.

- Nooon…

- D’accord Aleksandra, se reprit Mikolaj.

 

La nuit tombait doucement, les journées devenaient de plus en plus courtes en ce début du mois d’octobre. La grisaille, la pluie, le froid et parfois la neige, faisaient parti du quotidien des habitants de cette petite ville de Pologne située à quelques kilomètres au nord de Varsovie. Dans la rue, cachée à l’abri de tous les regards dans un entrepôt désaffecté, une femme surveillait l’entrée des maisons face à elle. Elle était là depuis plusieurs heures, guettant les allées et venues de toutes les personnes s’approchant plus particulièrement d’une petite maison aux volets fermés, et dont le physique s’accordait à celui d’une femme ou d’un jeune garçon.

La clarté du jour disparaissait et il était de plus en plus difficile de faire la distinction entre les hommes, les femmes et les enfants. Tous prenaient maintenant la forme d’ombres sombres… Il faudrait bientôt renoncer à la surveillance de ces lieux, repartir poursuivre la mission qu’elle s’était fixée avec bien d’autres, loin de cette ville, loin de cette vie… Une vie faite d’incertitudes, de risques, peut-être sans lendemain serait la sienne au moment même où elle se retournerait et quitterait cet endroit.

Anna, puisqu’il s’agit bien d’elle, était venue se cacher tout prés, en face de sa maison, après avoir mis au train son fils afin de s’assurer qu’il ne reviendrait pas. Elle était frigorifiée et soufflait dans ses mains pour tenter de se réchauffer un peu. Lorsqu’elle releva la tête, une ombre s’avançait d’un pas hésitant en direction sa demeure. Son cœur s’accélérait, elle pria en joignant ses mains pour que ce ne soit pas son fils. A quelques mètres de là, elle reconnu son amie de toujours au travers de la lumière du jour qui commençait à se faire très rare, entremêlée à celle des reverbères. Aleksandra ne l’avait pas laissée tomber, elle était venue, elle allait pouvoir aider son fils s’il rentrait. Elle savait que rien n’était pour autant résolu, mais si Mikolaj revenait, il ne serait pas seul. Elle aurait tant aimé courir vers Aleksandra, se jeter dans ses bras, la serrer de toutes ses forces, l’embrasser jusqu’à n’en plus pouvoir pour lui montrer toute sa reconnaissance, toute sa joie de la revoir. Lui dire merci aussi, merci d’être venue, merci d’être là, merci de l’aider… Mais malheureusement, c’était impossible... Plus tard, dans quelques mois...

Elle vit Aleksandra ouvrit la porte avec la clef qu’elle lui avait envoyée, puis disparaître. Anna était soulagée mais ne voulait pas pour autant partir tout de suite. Elle préférait prolonger son attente encore quelques minutes, quelques heures, afin d’être persuadée que son fils ne reviendrait pas, qu’il était bien resté dans le train, qu’il arriverait à destination, comme prévu.

    

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Commentaires
I
c'est bien que tu aies réédité ta nouvelle sur ton nouveau blog, je corrige le lien sur l'interview de Rose.
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